[Attention: beaucoup de blabla dans ce post, désolé...]
Je me suis attaqué au défi de faire un OSM pour le #42179 (Terre et lune en orbite). J'ai beaucoup apprécié le montage de ce set qui est vraiment original. Ma seule déconvenue reste le choix des couleurs, j'aurais préféré quelque chose un peu plus "belle époque" (par exemple dans les tons du #21332). A cette heure, sur rebrickable, il n'y a qu'un seul alternate : une voiture. C'était tentant vu que l'inventaire offre quatre roues. Mais bon, il n'y a pas un panel et le reste des pièces forme un ensemble assez hétéroclite...
Je propose de rester dans le thème en convertissant le modèle principal en un modèle secondaire représentant un planétaire géocentrique (c'est à dire, où la Terre est au centre). Le modèle géocentrique le plus connu est celui de Ptolémée, mais il existe un ensemble de modèles de complexité croissante jusqu'à l'avènement du modèle héliocentrique de Copernic.
Je ne suis pas astrophysicien, donc j'ai dû faire une bonne recherche biblio avant de toucher ne serait-ce qu'une seule brique Lego ! Je vais essayer de vous retranscrire ça le plus brièvement possible.
Préambule : une histoire de relativité
Qui tourne autour de qui ? Vous n'êtes pas sans ignorer que les anciens pensaient que le soleil tournait autour de la Terre. En fait, c'est une histoire de référentiel : si vous mettez un observateur sur un objet tournant autour d'un point fixe, alors pour cet observateur, le mouvement du point fixe sera circulaire. Donc d'un point de vu d'un observateur terrien, dans son propre référentiel, la lune et le soleil tournent autour de lui.
Là où les choses se compliquent, c'est quand d'autres objets tournent autour du point fixe, par exemple les autres planètes du système solaire. Du point de vu de notre observateur terrestre, le mouvement de ces planètes devient assez compliqué, avec l'impression que des fois, le mouvement repart à l'envers (mouvement rétrograde). Pour expliquer cela, les anciens ont introduit la notion d'épicycle. En gros, les autres planètes ne tournent pas directement autour de la Terre, mais autour d'un point (le déférent) qui lui-même tourne autour de la Terre ! Vous pouvez visualisez cela ici https://rhodesmill.org/ptolemy/inner-planets.html. Cette représentation permet d'expliquer les mouvements observés (notamment rétrogrades) et offre une assez bonne adéquation avec les observations astronomiques. Pour l'histoire, les astronomes ont amélioré ce modèle en rajoutant des épicycles (les objets tournent autours de points qui tournent autour de points qui tournent autour... etc.). Jusqu'au jour au Copernic a montré qu'il y avait en fait plus simple, en changeant le centre du système, on a besoin de beaucoup moins de cercles pour expliquer les mêmes observations. Selon le principe du rasoir d'Ockham, le modèle le plus simple (le plus parcimonieux) l'emporte et le modèle héliocentrique a fini par s'imposer (non sans peine, des aspects non-scientifiques venant se mêler au débat...).
Un modèle géocentrique en Lego
Pour ce modèle secondaire, j'ai donc essayé de faire un planétaire où le soleil et la lune tournent autour de la Terre. J'ai tenté d'y inclure les deux planètes "internes", Mercure et Vénus. L'avantage, c'est que le centre des épicycles de Mercure et de Vénus sont alignés sur l'axe Terre-Soleil, ce qui simplifie grandement la construction de l'ensemble. Pour transcrire cela en Lego, le point critique est de calculer les vitesses de rotation et les rayons des épicycles. J'ai obtenu ces informations en analysant le code utilisé pour générer la page web mentionnée ci-dessus https://github.com/skyfielders/astronomy-notebooks/tree/master/Medieval. Voici les périodes en jours :
- Lune : 27.32163085309721
- Soleil = déférent Mercure = déférent Vénus : 365.2584871884172
- Epicycle Mercure : 87.97141388757626
- Epicycle Vénus : 224.70096268375522
Il a ensuite fallu décider quelle vitesse sera la "référence", c'est à dire la rotation que sera actionnée directement par la manivelle. En théorie, il faudrait que ce soit la plus rapide, afin que les autres mouvements soient des démultiplications (autrement ça risque de trop forcer). Cela devrait donc être celle de la Lune. Cependant, en optant pour ce choix, il faut faire en sorte que la Terre reste fixe. C'est un soucis car on a deux systèmes en rotation : la lune et le soleil (qui porte Mercure et Vénus). Je n'ai pas trouvé de solution pour fait passer autant d'axes au sein des turntables. Autre possibilité : faire tourner la Terre en sens inverse de la Lune pour garder une vitesse nulle... trop compliqué.
J'ai donc opté pour la solution de faire tourner l'ensemble en fonction de la vitesse du soleil, qui est malheureusement la plus lente. Cela implique des multiplications :
- Soleil : 1.0
- Lune : (1 / 27.32163085309721) / (1 / 365.2584871884172) = 13.369
- Epicycle Mercure : (1 / 87.97141388757626) / (1 / 365.2584871884172) = 4.152
- Epicycle Vénus : (1 / 224.70096268375522) / (1 / 365.2584871884172) = 1.626
J'expliquerai plus loin comment j'ai résolu ce problème. Pour ce qui concerne les rayons, si on les rapporte au rayon de la Terre, on a :
- Lune : 59.7
- Mercure : déférent = 104.0407, épicycle = 39.40877
- Vénus : déférent = 226.0463, épicycle = 163.3619
Et par rapport à la Lune, on a
- Mercure : déférent = 1.743, épicycle = 0.660
- Vénus : déférent = 3.786, épicycle = 2.736
Des simplifications s'imposent. Pour les rayons, j'ai monté la lune sur un beam de 7 studs, ce qui fait un rayon de 6. Mercure est montée sur des liftarms de 5 studs, soit un rayon de 4. Le ratio est donc de 4/6, ce qui donne 0.66666, c'est plutôt pas mal
Vénus est sur un beam de 13, mais le centre de Vénus est à un stud du bord, soit un rayon de 11 et un rapport de 11/4 = 2.75, on est donc pas mal aussi !
Pour les déférents, vu que les centres sont alignés et que les épicycles se "touchent" quasiment, ils sont automatiquement aux bonnes proportions (aux arrondis près). Vous noterez que dans le modèle géocentrique, Mercure est plus proche de la Terre que Vénus.
Revenons aux vitesses de rotation. Comment obtenir de tels rapports avec les pièces du set ? Vous vous imaginez que ça a été un peu un casse-tête. Voici la solution que j'ai retenue, après prise en compte de multiples compromis liés à la construction. Toutes les vitesses sont par rapport au soleil, qui est monté sur une grande turntable à 60t. On a ensuite les enchainements suivant :
Lune : La turntable prend sur une 20t, connectée à un 24t qui entraîne une 8t. S'en suit un couple 20t sur 12t, puis 20t sur 24t, cette dernière ayant prise sur la mini-turntable à 28t. Cela nous fait donc: 60/20 * 24/8 * 20/12 * 20/24 * 24/28 = 10.71429. C'est un peu lent (le vrai rapport étant >13). Cela dit, c'est le prix à payer en prenant en compte toutes les contraintes simultanément.
Mercure : La turntable prend sur une 20t qui enchaîne directement sur une 12t. On a ensuite 24t sur 8t, puis un couple de 16t, qui sert à la fois à déporter la transmission de 2 studs et d'inverser le sens de la rotation (et oui, parce qu'en plus des rayons et des vitesses, il faut que ce tout ce petit monde tourne dans le bon sens !). La deuxième 16t remonte vers une 8t qui prend sur une mini turntable à 28t. On a donc 60/20 * 20/12 * 24/8 * 16/16 * 8/28 = 4.285714, pour un vrai rapport de 4.152. Pas mal, non ?
Vénus : La turntable prend sur une 20t qui redescend sur une 36t, laquelle prend sur une 12t en angle. Un axe file un direction du soleil, on a alors un couple de 12t en angle qui fait remonter la transmission vers un 12t qui prend sur une large turntable à 60t. Cela nous fait donc 60/20 * 36/12 * 12/12 * 12/60 = 1.8 au lieu de 1.626.
Globalement on a donc des mesures aussi réalistes que possible. Il y a néanmoins un soucis : impossible de faire tourner tout ce manège autour de la Terre ! D'une part, le poids de la mécanique est trop important ; d'autre part, les multiplications en jeu infligent des torsions importantes sur certains axes, ce qui résulte en un mouvement saccadé (notamment sur Vénus). J'ai donc dû simplifier, et assez drastiquement.
J'ai choisi de résoudre les deux soucis principaux en fixant l'axe Terre-Soleil. Cela résout grandement le problème de stabilité. D'autre part, cela m'a permis d'avoir tous les éléments en rotation sur des turntables (sinon j'ai besoin des deux grandes turntables rien que pour la rotation du soleil). Et finalement, vous aurez peut-être remarqué que toutes les transmissions commencent par une 20t entraînée par la turntable de l'axe du soleil... J'ai donc choisi d'utiliser cet axe pour connecter la manivelle. La conséquence c'est que la Terre tourne avec un vitesse égale à celle du soleil, mais dans le sens inverse (relativité...). La manivelle est montée sur une 8t prenant sur une 24t, laquelle est reliée à une 12t prenant sur la 36t de l'axe commun à toutes les rotations. On a maintenant uniquement des démultiplications, et tout tourne de manière très fluide !
Je m'arrête ici, en laissant quelques images et une vidéo montrant la cinétique finale. Pas de commentaire sur le design, c'est moche, c'est un fait, mais là n'est vraiment pas l'intérêt de toute façon. N'hésitez pas si vous avez des questions / remarques, je doute que tout soit clair